Pas de paix possible sans justice.

Pas de paix possible sans justice.

Entre la politique de terreur commise pas le Hamas et la vengeance de masse – autre forme de terreur – mise en œuvre par l’État d’Israël, la situation au Moyen-Orient prend le chemin d’une fuite en avant dont les victimes seront essentiellement civiles et très majoritairement palestiniennes. Il ne peut pas s’agir de compter les morts de chaque coté pour désigner le plus grand coupable. Mais il est nécessaire, encore et toujours, d’affirmer que seule une solution politique au conflit permettra la paix.

Élie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, a publié dans le journal Le Monde du 8 octobre 2023 une tribune fort intéressante. Il y affirme que « L’attaque du Hamas résulte de la conjonction d’une organisation islamiste fanatique et d’une politique israélienne imbécile ». Car il nous faut bien le constater, cette guerre n’est pas née spontanément ou sans cause.

Mais la politique suivie par l’État d’Israël, d’enfermement de 2 millions de Gazaouis dans une prison à ciel ouvert, n’est pas simplement imbécile. Elle est criminelle. Cette politique restreint l’accès de toute une population à l’eau, à la nourriture, aux ressources énergétiques, aux soins médicaux, au travail, et ainsi la prive de perspective d’avenir et d’espoir de voir sa situation s’améliorer. Elle s’applique à une population dont la majorité sont des descendants de celles et ceux qui ont déjà été expulsés de leur maison et de leurs terres en 1948.

L’extrême-droite au pouvoir à Gaza … et en Israël

Le nouveau gouvernement Netanyahou a, encore plus, aggravé ces politiques. Faut-il rappeler qu’il intègre en son sein des ministres ouvertement d’extrême-droite, suprémacistes et racistes, tels Itamar Ben Gvir ministre de la sécurité nationale et condamné par la justice israélienne en 2007 pour incitation à la haine et soutien à une organisation terroriste. Ou Bezalel Smotrich, chef de file de l’extrême droite religieuse issue des colonies, ministre des finances, dont l’objectif avoué est la multiplication de démolitions d’habitations palestiniennes, dans la perspective du développement des colonies et au final d’un « Grand Israël », de la méditerranée au Jourdain, évidemment débarrassé de sa population palestinienne.

Cette guerre a donc bien une cause qui est à trouver dans l’injustice fondamentale faite au peuple palestinien. Mais évidemment expliquer ne signifie pas justifier l’injustifiable. Ce qu’a commis le Hamas relève d’une politique de terreur – donc de terrorisme – contre la population de l’État d’Israël. Les victimes ont été, de façon indiscriminée, des Israéliens, qu’elles ou ils soient juifs ou arabes, des étrangers, juifs et non juifs, toutes et tous très majoritairement des civils. Et les meurtres qui ont été commis l’ont été de façon abjecte pour en rajouter à la terreur.

Faut-il rappeler ce qu’est le Hamas ? Il s’agit d’une émanation des Frères musulmans. A ce titre il est structuré par une logique politique organisée autour d’une perspective autoritaire et réactionnaire. Pour nous les choses sont fort claire, le Hamas est un ennemi politique, en premier lieu du peuple palestinien.

Le Hamas a, certes, remporté les élections législatives en 2006. Mais cela ne signifie pas que ce parti représente le peuple de Gaza. D’ailleurs depuis cette date, aucune élection n’a eu lieu. Et si le Hamas a obtenu une majorité de suffrages, c’est d’abord la conséquence de la lassitude suscitée par le Fatah, organisation corrompue et de plus, engluée dans des négociations sans perspectives avec l’État d’Israël.

Aussi la question de la « représentativité » du Hamas est un non-sens. Un mouvement totalitaire n’est jamais représentatif. Il ne fait ou il ne veut qu’exercer un pouvoir sur une population qui lui est soumise. Au final, pour nous, soutenir le Hamas, sa politique, ses crimes, n’est pas acceptable. Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nos amis. On ne s’allie pas avec des « fascistes » pareils, on les combat. Pour la Palestine comme pour l’Ukraine, nous entendons défendre les peuples, pas les forces politiques qui les dirigent.

Mais, dans le contexte de l’horreur subie en permanence par le peuple palestinien, il est aussi indéniable que le Hamas est reconnu, y compris par ses ennemis politiques en Palestine, comme une composante de la résistance palestinienne. Cette réalité nous conduit à comprendre que certains courants politiques palestiniens plus fréquentables, tel le FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), puissent refuser de dénoncer les crimes du Hamas. Mais nous n’avons pas les mêmes contraintes en France.

En France, nous sommes confrontés à un gouvernement qui met en œuvre un soutien inconditionnel à l’État israélien, à ses ministres réactionnaires ou fasciste, à la volonté du ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, de soumettre Gaza à un « siège complet » : « Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’essence. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence ».

Un gouvernement israélien qui fait bombarder massivement la population civile palestinienne dans l’ensemble de la bande de Gaza. Même le nouveau tournant pris par l’offensive israélienne depuis le samedi 28 octobre, ne remet pas en cause ce soutien occidental sans condition. Avec la coupure de toutes les communications téléphoniques et internet de la bande de Gaza, se met en place une « espèce de massacre à huis clos dont on découvrira plus tard le résultat morbide » comme le dénonce Médecins Sans Frontières. Cet isolement rend, en plus, « toute opération de secours impossible ».

Tout cela n’est que la prolongation de la politique suivie par l’État israélien qui, depuis sa fondation en 1948, refuse de respecter le droit international et commet régulièrement des crimes de guerre.

Un État qui depuis l’assassinat en 1995 du premier ministre israélien Yitzhak Rabin par un terroriste israélien, a abandonné la perspective de paix issue des accords d’Oslo. Ce constat est aussi celui d’Élie Barnavi. Il a rappelé que « la résurrection du « processus de paix » » était contradictoire avec « le découplage des deux tronçons du territoire palestinien » et que « Le Hamas, finalement, était bien utile » pour justifier l’absence de volonté de parvenir à une paix durable.

Un État qui pratique, selon l’organisation israélienne B’Tselem, une politique d’apartheid et de colonisation de la Cisjordanie et qui profite de la situation actuelle pour accélérer les expulsions et les destructions de maisons de palestiniens dans le nord de la vallée du Jourdain et dans les collines du sud d’Hébron, toujours dans l’optique du Grand Israël.

Un gouvernement français qui voulait interdire toute manifestation pro-palestinienne ; qui veut criminaliser les militantes et militants qui oseraient soutenir les droits du peuple palestinien. Ainsi le secrétaire général de l‘Union Départementale (UD) du département du Nord et une salariée de cette UD ont été interpellés de façon scandaleuse à leur domicile à 6 h du matin, par des agents de l’antiterrorisme cagoulés, suite à un communiqué de soutien au peuple palestinien.

En France, que faire ?

Il ne nous appartient pas de définir les contours d’une solution politique en Palestine. Nous savons simplement que la « vengeance » contre la population de Gaza – comme cela se déroule aujourd’hui – ne peut qu’échouer. Les dirigeants actuels du Hamas pourraient être tués, l’organisation pourrait être partiellement détruite … la tête de l’hydre repoussera toujours.

Aujourd’hui, notre tâche la plus immédiate est de participer aux manifestations qui se déroulement en France pour dénoncer la situation faite au peuple palestinien et la vengeance d’État contre la population palestinienne à Gaza … mais aussi en Cisjordanie où les meurtres de civils palestiniens se multiplient depuis le 7 octobre. Cela signifie aussi de soutenir la résistance civile palestinienne et les organisations juives anticoloniale en France comme en Israël, ou comme aux États-Unis. Il en est ainsi, par exemple, de ce blocage de la gare de Grand Central à New-York, à l’appel de Jewish Voice for Peace. Et à l’issue de ce dernier, environ 300 jeunes juifs qui portaient le slogan « Pas en notre nom », ont été arrêtés.

Nous entendons continuer à dénoncer la politique coloniale et d’apartheid qui se renforce avec l’actuel gouvernement israélien. Notre tâche est d’exiger que le gouvernement français agisse pour une solution politique en Palestine. C’est aussi le seul moyen qui est à notre portée pour éviter l’importation de la guerre de l’État d’Israël contre le Hamas en France.

De ce point de vue la volonté du gouvernement Macron d’interdire les manifestations de soutien au peuple palestinien, tout comme celle de criminaliser ce soutien ne peuvent être que contre-productives. Elles ne peuvent que favoriser des actes de violence contre des personnes juives, puisque la simple expression politique de soutien au peuple palestinien est interdite. Sans parler des conséquences antidémocratiques que ce genre de politique porte.

L’interdiction de la manifestation parisienne du 28 octobre a permis aux forces de police d’expérimenter encore un fois une nouvelle forme de répression du droit de manifester. Ne pouvant matériellement empêcher des milliers de personnes de se rassembler, le dispositif policier, très dense, a « nassé » la foule en plusieurs groupes statiques empêchés de se mettre en mouvement ou de se rejoindre les uns les autres.

Et à 20 h 30, la préfecture de police pouvait faire état de « 21 interpellations et 1 359 verbalisations », avec des amende à 135 euros pour participation à une manifestation interdite.

Aussi limitées et insatisfaisantes que soient ces perspectives, les seules actions à notre portée relèvent de la solidarité envers les victimes de ce conflit, aussi bien les personnes civiles assassinées par le Hamas, que les morts palestiniens sous les bombes de Netanyahou ; Et, à chaque fois que c’est possible, manifester avec les organisations de soutien au peuple palestinien et les organisations juives anticoloniale et relayer les solutions politiques au conflit israélo-palestinien. Mais nous savons qu’il ne pourra pas exister de solutions sans prise en compte des droits du peuple palestinien. Pas de justice, pas de paix !

Dans cette perspective il nous semble fondamental de développer des formes de solidarité entre les peuples, affranchies des fanatismes religieux et identitaires, pour que toutes et tous puissent vivre dignement sur une même terre.