Déclaration de la Plate-forme Communiste Libertaire au 2e congrès de l’UCL
Nous avons été invités au 2e congrès de l’UCL qui s’est tenu du 3 au 5 novembre 2023 à Angers. Nous publions ici le texte de l’intervention que notre délégué a pu faire lors de ce congrès.
Nous tenons à remercier l’UCL pour l’invitation qui nous a été adressée pour son 2e congrès. Nous espérons que vos débats seront féconds et contribueront à l’accroissement d’un rapport de force plus favorable pour celles et ceux qui subissent exploitation et domination.
Les tâches militantes dans la période actuelle.
Il y a urgence à tracer des perspectives qui se fondent sur la situation actuelle et non pas sur des principes atemporels. Les révolutionnaires et plus spécifiquement les libertaires ont des choix à faire. Soit s’enfermer dans les principes et l’autopromotion de chaque boutique ; soit actualiser les grandes lignes du combat révolutionnaire à l’aune des données contemporaines et contribuer à faire émerger une force politique dans laquelle les révolutionnaires pèseraient par leur activité théorique et pratique.
Face aux fractures qui divisent le salariat, qui l’empêchent de se construire une conscience de classe et de se mettre en mouvement, nous militons pour l’unité des classes sociales exploitées et dominées. Évidemment nous ne recherchons pas une unité gommant les différences. Et nous ne nous satisferons pas d’une convergence qui, trop souvent, se résume à une addition de luttes sans perspectives communes.
Au sein de ce continuum de formes de domination disparates, dont les plus fréquemment mises en avant relèvent de l’oppression de classe, de celle que subissent les femmes, mais aussi les personnes se revendiquant LGBTI ou enfin des personnes subissant les discriminations dite « raciales », nous affirmons la centralité de la lutte de classe, au sens où cette dernière traverse tous les systèmes de domination.
Dans ce cadre nous affirmons que notre projet politique est structuré par notre combat pour l’unité du prolétariat, ce qui implique deux éléments stratégiques de même importance : la recherche de revendications, d’aspirations, de combats sociaux permettant d’unifier l’ensemble des couches du prolétariat, dans la perspective d’une réduction des fractures qui aujourd’hui annihilent quasiment sa capacité à transformer la société ; mais cette unité n’a aucune chance de survenir si le mouvement social ne s’approprie pas collectivement le combat contre toutes ces discriminations qui le divisent. En ce sens, il n’y a pas un combat prioritaire, l’anticapitalisme et des combats secondaires que l’on pourrait ignorer. Il y a un combat de classe qui construit son unité dans des revendications unifiantes et dans une appropriation collective des luttes contre toutes les discriminations, y compris par celles et ceux qui ne sont pas directement concernés.
La lutte de classe se mène donc sur tous les fronts et sur tous les terrains.
Aujourd’hui, nous faisons le constat que notre classe, et singulièrement ses organisations à vocation de masse que sont les syndicats, sont politiquement désarmées face à la classe possédante. Si le mouvement des retraites et sur les salaires amène des milliers de nouveaux et nouvelles syndiqués qui veulent s’impliquer davantage, il n’en reste pas moins que la majorité des militantes et des militants sont dans un désarroi politique. Celui-ci est alimenté en permanence par le spectacle des divisions à gauche, de l’accélération de la politique libérale et de la montée de l’extrême droite.
Le syndicalisme, même révolutionnaire ne saurait suffire, sauf à considérer qu’il serait l’organisation future de la société. Ce qui est très limité et ne répond pas aux questionnements et recherches de la majorité des salariés en lutte.
L’état de la gauche et de l’extrême gauche n’aide pas à politiser et avancer vers une force politique autonome qui proposerait une stratégie de transformation sociale, apportant ses propositions revendicatives, ses moyens organisationnels et son projet alternatif au capitalisme. Cette force est aujourd’hui dispersée, divisée, en situation de concurrence permanente, dans de nombreuses organisations et mouvements, mais aussi en dehors de tout cela et dans l’expectative face au vide de perspectives.
Si une telle force commençait réellement à émerger, nous n’imaginons pas qu’elle ne puisse pas être d’abord avant tout anti-libérale, comme l’est par ailleurs la majorité des Français. Mais nous pensons que face à une telle possible réalité, il ne nous reviendrait pas d’être là pour cliver ou pour camper des positions de principes. Mais en tant que matérialistes il serait de notre responsabilité de développer les capacités de lutte et la politisation de larges secteurs des classes populaires. C’est ainsi que nous pourrions montrer par l’exemple les voies d’un anticapitalisme concret et de pratiques démocratiques renouvelées.
Il y a un autre point qu’il ne nous sera pas possible d’ignorer. D’une telle force émergera plus que probablement des candidatures aux élections politiques. Cet aspect serait pour nous secondaire. Pour autant nous estimons que ce serait se voiler la face d’ignorer que les résultats électoraux, qu’on le veuille ou non, pèsent dans le rapport de force global, face aux libéraux et aux nationalistes. Mais se retirer d’une telle force en construction, sur ce seul point, serait un capitulation politique. Nous continuerions à développer au sein de cette force, à la fois notre critique anti électoraliste et notre conception d’une démocratie directe et populaire.
L’unité des révolutionnaires et de la gauche
Nous vivons une période trouble, où beaucoup de monde pense possible l’arrivée au pouvoir du Rassemblement National. Inutile ici d’expliquer en quoi ce tsunami serait un drame pour les classes sociales populaires, et en particulier, mais pas seulement, pour les femmes et les personnes issues de l’immigration.
Il y a donc une urgence absolue qui doit avoir sa traduction dans les orientations politiques qui sont les nôtres, les vôtres et celles de toutes les organisations politiques, syndicales ou associatives qui prétendent transformer la société dans une perspective de rupture avec le capitalisme.
Dans ce cadre, et en nous focalisant en premier lieu au sein du « mouvement révolutionnaire », l’impératif de l’unité, de l’union ou au moins l’action commune doit être présente dans nos propositions à tous les niveaux.
Il ne s’agit évidemment pas de nier les divergences de fond qui existent, mais bien de rechercher les lignes de forces communes qui peuvent nous permettent d’agir de façon convergente. Et en premier lieu, il nous faut remiser au second plan toutes les polémiques qui font de ce « mouvement révolutionnaire » un panier de crabes où la priorité est de se différencier.
Pour notre part, avec nos modestes moyens, nous sommes disponibles à toutes les convergences politiques. Notre perspective nous la voulons dans une logique d’unir et de décupler les forces, de développer le niveau de politisation de la société et d’implanter le combat révolutionnaire parmi les classes populaires.
Nous n’opposons pas dans ces convergences, les anticapitalistes et les antilibéraux, les réformistes et les révolutionnaires, tant ses frontières sont extrêmement perméables et floues aujourd’hui pour une majorité de militantes et de militants des mouvements sociaux
Nous sommes bien évidemment porteurs et héritiers d’idées et des pratiques libertaires luttes de classe mais nous pensons que l’histoire s’écrit en marchant, c’est-à-dire avec les autres et sur la base de l’expérience. C’est ce qui fonde par ailleurs tout militantisme syndical. D’ailleurs dans notre conception du syndicalisme nous mettons en avant la capacité à fédérer des collectifs militants pluralistes et à travailler à des consensus les plus élevées possibles sur la base du travail de terrain.
Plus spécifiquement, le courant communiste libertaire a un rôle à jouer. Nous souhaitons y contribuer à notre modeste niveau, en reprenant ce qui a fait sa force par le passé, c’est-à-dire sa capacité à développer ses idées-force par une stratégie qui s’adapte en permanence au prolétariat tel qu’il est. Pas à un prolétariat fantasmé, un prolétariat tel que nous voudrions, un prolétariat imaginé en conformité avec une idéologie pré-établie. Une telle logique est à la base de toutes les fossilisations politiques. Pour nous il ne s’agit pas d’adapter le prolétariat au communisme-libertaire, mais d’adapter le communisme-libertaire à la réalité du prolétariat.
C’est la base de notre démarche politique et nous ne vous ferons pas l’injure de penser qu’il en va autrement pour vous. C’est sur ces bases qu’il nous semble possible d’œuvrer avec vous, avec vos militantes et vos militants, non seulement pour la construction de l’unité de classe, non seulement pour qu’un camp révolutionnaire élargi puisse agir ensemble et peser sur la société, mais aussi pour redéfinir un communisme-libertaire du 21e siècle.