Écologie : COP 27, au delà du spectacle, qu’en attendre ?
Près de deux cents pays se réunissent du 6 au 18 novembre à Charm El-Cheikh, en Egypte, pour la vingt-septième conférence de l’ONU sur le climat. La présidence égyptienne a présentée cette COP 27 comme celle « de la mise en œuvre », du « passage des promesses aux actes ». Aucune remise en cause des « solutions » dont la logique a été définie dès 1997 lors du protocole de Kyoto, ne semble être à l’ordre du jour. Pourquoi changer une politique qui ne marche pas ? La plus grande innovation de cette COP 27 est d’avoir inscrit pour la première fois à l’ordre du jour le sujet des dégâts irréversibles provoqués par le réchauffement climatique. Mais avec quelles conséquences concrètes ?
Face au spectacle que vont produire les grands de ce monde lors de la COP 27, face aux déclarations grandiloquentes sur la maison commune qui brûle, il semble nécessaire de ne pas oublier tous les mensonges accumulés depuis des décennies. En premier lieu il faut rappeler que le problème est connu depuis la fin des années 1960, quand les premières études scientifiques ont mis en évidence l’augmentation continue de la teneur en CO2 de l’atmosphère depuis qu’a débuté l’exploitation du charbon, puis du gaz et du pétrole.
La première alerte publique a été lancée en 1971, à Stockholm, par 30 scientifiques de haut niveau provenant de 14 pays. Ils et elles ont exprimé un risque de « changement global climatique rapide et grave causé par les humains ». Il était encore temps de modifier, en douceur, les politiques énergétiques. Mais pour cela il aurait fallu rompre, au moins progressivement, avec la logique productiviste et changer de modèle économique.
Pourquoi donc les « élites » qui nous gouvernent n’ont-elles rien voulu voir, rien savoir, n’ont-elles rien fait ? Pourquoi les multinationales de l’énergie ont-elles continuer à pousser à la vente d’énergies fossiles ? Pourquoi les médias ont-ils tant donné la parole aux climato-sceptiques ? La réponse logique, tout le monde la connaît. Parce que celles et ceux qui sont aux commandes, tous, ont des liens avec la classe sociale privilégiée et qu’ils défendent les intérêts des plus riches, celles et ceux qui ne sont prêts en rien à négocier de leur mode de vie, qui veulent toujours accroître leurs profits.
Aujourd’hui la fonte des glaciers et des calottes polaires entraînant une montée des océans, une multiplication de périodes de canicule, de sécheresses, de tempêtes et d’inondations, de mégafeux … La question climatique n’est plus de celle que l’on peut nier. Alors en 1997 il y a eu le protocole de Kyoto prétendant réduire les émissions de gaz à effet de serre en mettant en œuvre deux types de mécanismes :
- Les « permis négociables », marché de permis d’émission de gaz à effet de serre censés faire évoluer les systèmes de production les plus polluants et les moins efficaces.
- Le « mécanisme de développement propre » et la « mise en œuvre conjointe » ont été créés afin de permettre aux occidentaux d’obtenir des crédits d’émission en investissant dans des projets de développement aux méthodes de production « propres » ou de stockage de carbone ou de réduction des émissions.
Ces mesures ont été conçues pour ne rien changer aux règles de l’économie capitaliste, liberté d’entreprendre et d’exploiter, règles de concurrence libre et non faussée … Quel en est le bilan ? Selon le site internet du Ministère français de la transition écologique, « les émissions mondiales [de gaz à effet de serre] sont en hausse de 58 % depuis 1990 ». Et la croissance des émissions continue encore aujourd’hui malgré tous les beaux discours. Ainsi, selon le journal Le Monde du 11 novembre 2022, « les émissions devraient atteindre 40,6 milliards de tonnes en 2022, en hausse de près de 1 % par rapport à 2021, toujours tirées principalement par la combustion d’énergies fossiles ».
« « C’était très naïf de penser que les investissements verts des plans de relance allaient permettre de maintenir les émissions à la baisse » [après celle résultant du confinement en 2020], réagit Philippe Ciais, directeur de recherche (CEA) au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement ».
Construire le rapport des forces pour imposer une autre politique.
Que faut-il de plus pour comprendre que jamais les gouvernements des pays occidentaux, de Russie, de Chine, comme de tous les pays dominés par l’économie capitaliste, n’adopteront de politique capable de s’attaquer à la crise climatique. Ce qui à minima supposerait d’organiser à court terme la fin de l’utilisation des combustibles fossiles et une remise en cause de la croissance économique. Le capitalisme a construit son essor sur les énergies fossiles bon marché et ne pourrait pas survivre sans cette fuite en avant dans une croissance sans limite.
Nous en sommes convaincus, l’urgence climatique c’est de rompre avec le capitalisme. Mais au-delà des slogans, comment agir concrètement ? Il n’y a malheureusement pas de solution miracle. Ainsi, les actions toujours plus spectaculaires permettent de se donner l’impression d’agir et pèseront peut-être sur la teneur des déclarations finales de la COP 27. Mais une fois la COP 27 terminée, la politique habituelle reprendra ses droits.
De plus si ces actions soulignent les excès du capitalisme, elle ne permettent pas de remettre en cause les mécanismes fondamentaux du capitalisme, ceux qui sont à la racine du dérèglement climatique comme de l’effondrement de la biodiversité. Aucune société écologique ne sera jamais compatible avec le fonctionnement économique du capitalisme. Alors, oui ! Il faut profiter de la COP 27 pour mettre en avant notre exigence de rompre avec toutes ces politiques dévastatrices des équilibres du vivant. Et oui ! Il faut rappeler que la sortie de crise climatique doit se conjuguer avec la sortie du capitalisme.
Mais l’essentiel de notre combat ne sera pas spectaculaire.
N’oublions pas que dans tous les pays du monde les classes populaires sont et seront les premières victimes de la crise climatique. Quant aux plus riches, ils pensent sans doute posséder les conditions matérielles pour échapper à la crise climatique au sein de leurs quartiers résidentiels sécurisés, à l’environnement préservé et aux logements climatisés. De plus ils peuvent toujours s’échapper en avion ou en hélicoptère vers leurs demeures secondaires, loin des métropoles qui s’embrasent.
Plus que jamais les luttes pour la justice sociale et celles pour la justice climatique passent par le même impératif stratégique : rompre avec le capitalisme et construire une nouvelle société au sein de laquelle le moteur économique ne sera plus la course aux profits, mais la satisfactions des besoins des hommes et des femmes. Cette aspiration à la convergence entre luttes sociales et luttes écologiques que l’on voit de plus en plus souvent s’exprimer dans les manifestations climat, il est temps de la mettre œuvre.
Seul, le mouvement écologiste n’aura jamais les forces suffisantes – y compris en agglomérant des franges importantes de la jeunesse – pour changer les bases économiques, politiques et sociales des sociétés contemporaines. Première victime de la crise climatique comme de l’injustice sociale, les ouvriers et les employés, hommes et femmes, sont aussi celles et ceux qui disposent d’une force potentielle liée à leur place dans le processus de production. C’est uniquement à cette place qu’il est possible de bloquer l’économie par la grève et ainsi de s’attaquer concrètement au fonctionnement du capitalisme.
Évidemment pour concrétiser cela il va être nécessaire de changer la donne, de reconstruire une conscience de classe sans laquelle l’action collective ne peut plus se développer. Ce combat ne pourra qu’être laborieux. La priorité ce sera d’abord un travail de terrain au sein des classes sociales populaires, bien loin des lumières médiatiques. La crise écologique, tout le monde la subit, mais le prolétariat va voir ses conditions de vie bien plus dégradées. La reconstruction de la conscience de classe à venir se fera nécessairement par une identification à un projet, non plus seulement de justice sociale, mais aussi de justice climatique.
Un premier bilan de la COP 27 qui vient de ce terminer ?
(ajout du 21 novembre 2022)
Pendant deux semaines, les 33 000 participants ont vécu sous une climatisation poussée au maximum, dans un centre de conférence situé dans le désert de la péninsule du Sinaï, régulièrement survolé d’avions couvrant parfois les propos des intervenants. Un système de bus était mis à disposition… pour rejoindre des stations de tourisme aux multiples piscines et pelouses arrosées en plein soleil. Alors quel bilan peut-on tirer d’une conférence qui s’est tenue dans de telles conditions ?
Les 196 pays représentés à Charm El-Cheikh ont décidé de créer un fonds pour les «pertes et dommages», afin d’aider financièrement les pays en développement « particulièrement vulnérables » à faire face à ces dégâts irréversibles causés par le réchauffement climatique. Des impacts qui causent des pertes humaines et économiques, aggravent leur dette et entravent leur développement. Mais à ce jour, ce fonds n’est qu’une coquille vide. Rappelons que les pays développés n’ont toujours pas tenu leur promesse, prise il y a treize ans, de mobiliser 100 milliards de dollars par an à destination des pays en développement.
Un comité composé de quatorze pays du Sud et de dix du Nord sera chargé de rendre opérationnel ce fonds dès la COP 28 de l’an prochain. Cette nouvelle conférence se tiendra en novembre 2023 à Dubaï, aux Émirats arabes, tout un symbole. Ce fonds devra être abondé par les pays riches, mais aussi en «étendant les sources de financement». Cette dernière formule vise implicitement la Chine qui figure toujours dans la classification des pays en développement mais est devenu la deuxième puissance économique mondiale et le premier émetteur de gaz à effet de serre.
Le texte de décision soutient une réforme du système financier pour aider les plus vulnérables, par exemple une modification du fonctionnement de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour inciter les banques de développement à prêter plus d’argent aux pays vulnérables et à suspendre le remboursement de la dette de ces derniers en cas de catastrophe climatique.
Ainsi sur le front «des pertes et dommages», des avancées symboliques peuvent être signalées. Mais la concrétisation de ces intentions n’est guère assurée. Par contre sur le cœur de la crise climatique, la COP 27 a fait du sur place. « Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu », a regretté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors de la conférence de clôture.
Le texte ne fait que rappeler les bonnes intentions déjà affichées lors de la précédente conférence : s’engager à accélérer la réduction de l’utilisation du charbon et la sortie des subventions « inefficaces » aux énergies fossiles. Le pétrole et le gaz ne sont pas évoqués dans la déclaration finale. Les pays s’engagent aussi à « poursuivre les efforts » afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Mais l’absence de décision sur les énergies fossiles dit le contraire. Faut-il voir dans cet impasse la présence record de 636 lobbyistes portant les intérêts de l’industrie des énergies fossiles ?