Antifascisme : Saint-Brévin-les-Pins, combattre le fascisme dans la rue aussi !

Antifascisme : Saint-Brévin-les-Pins, combattre le fascisme dans la rue aussi !

Dès qu’un mouvement social d’ampleur leur ôtait la possibilité de se prétendre les porte-paroles du peuple, les fascistes devenaient inaudibles. Mais depuis la candidature Zemmour, la droite identitaire se sent le vent en poupe. En Bretagne les réseaux qui se sont constitués à cette occasion veulent créer l’évènement en s’attaquant, à chaque fois qu’ils en ont la possibilité aux migrantes et aux migrants. Exemple à Saint-Brévin-les-Pins, commune de 15 000 habitants en Loire Atlantique.

Les fascistes ont beau faire des scores électoraux minables en Bretagne, comme en Loire-Atlantique d’ailleurs, ils sont à l’offensive. Un premier exemple concerne la commune de Callac, de 2 200 habitants des Côtes-d’Armor. En 2022, la mairie rend public un projet voulant « rénover ou construire un village avec des personnes réfugiées et non-réfugiées ». Il s’agissait d’accueillir des réfugiés, avec pour ambition de donner un nouveau souffle à cette commune rurale qui depuis 1975 a perdu près du tiers de sa population.

Le projet voulait accueillir progressivement, sur dix ans, des familles réfugiées. Cela aurait permis de d’obtenir des fonds pour rénover des bâtiments et faciliter la création de nouveaux services : une crèche, une librairie ou une ressourcerie. Selon Laure-Line Inderbitzin, adjointe au maire, « l’idée est simple : rajeunir, redynamiser notre Centre-Bretagne en accueillant de nouveaux habitants. Et, répétons-le, les personnes réfugiées sont une chance pour nos territoires, avec leurs compétences et leurs talents ».

Quand la xénophobie fait le lit du fascisme

Mais des habitants minoritaires ont refusé le projet. Et rapidement les partis d’extrême-droite, Rassemblement National et Reconquête, entrent dans la danse en s’associant à des groupes néo-nazi. Deux manifestations sont organisées contre le projet et sont portées largement par les fascistes, suscitant autant de contre-manifestations.

Début octobre 2022, des murs sont tagués avec des textes en breton contre le projet d’accueil des réfugiés. Des actions des groupes d’extrême droite amènent un haut niveau de tension dans le village, à coup de menaces de mort et d’agression à l’encontre des élus et des habitants qui soutiennent le projet. Des intimidations physiques sont effectuées par des groupes de personnes cagoulées aux abords des résidences privées des porteurs du projet.

Dans ce contexte, le maire de Callac a affirmé : « On ne peut pas continuer comme ça. Ça devient n’importe quoi. Il y a une lassitude dans la population. Elle ne nous soutient pas forcément. Elle ne s’oppose pas forcément non plus. Mais elle a envie que tout ça, ça s’arrête. » Le 12 janvier 2023, il annonce l’abandon du projet. Les fascistes exultent ! Mais l’affaire ne s’arrête pas là.

L’hebdomadaire breton Le Poher ayant publié des articles traitant du projet d’accueil de réfugiés à Callac, reçoit lui aussi des menaces de mort. Et une journaliste de France 3, qui avait fait état dans un article web des menaces à l’encontre du Poher, a été elle-même prise pour cible, notamment dans des commentaires sur le site Riposte Laïque.

Puis, le 31 janvier, le rédacteur en chef du Poher, reçoit un courriel dans lequel était notamment écrit : « On va te crever pourriture et les négros que tu aimes tant ». Des plaintes pour des menaces de mort ont été déposées par le rédacteur en chef du journal. Lundi 20 février, le siège du journal a été évacué après une alerte à la bombe par téléphone, accompagnée de nouvelles menaces. Quant à France Télévisions, elle a de son coté porté plainte mi-février à Brest « contre X et contre le site Riposte Laïque pour injures publiques, menaces et propos sexistes ».

Samedi 25 février, s’est tenu une manifestation rassemblant 600 personnes à Carhaix, dans le Finistère, pour dénoncer les atteintes à la liberté de la presse et les menaces et les intimidations physiques à l’encontre des femmes et des hommes qui n’acceptent pas leurs délires racistes. Une manifestation qui a été bien plus larges que les maigres rassemblements que les fascistes ont pu organiser.

Vient maintenant le tour de Saint-Brévin

Mais ceux-ci n’ont pas l’intention d’en rester là. Ils et elles se focalisent maintenant sur un autre projet, celui de construction d’un Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) à Saint-Brévin-les-Pins, c’est-à-dire un foyer d’accueil spécialisé pour l’hébergement des demandeurs d’asile durant le temps d’examen de leur demande. Ce projet est soutenu à l’unanimité par tous les élus municipaux de la commune, pourtant majoritairement de droite. « On est favorable à l’accueil des migrants, on affirme que Saint-Brévin doit rester une terre d’accueil », a expliqué Philippe Croze, président du Collectif des Brévinois attentifs et solidaires.

Là encore, tout commence par un groupe d’habitants opposés au projet. En l’occurrence le « Collectif de Préservation de la Pierre Attelée », qui fait un amalgame raciste entre réfugiés et violence et prétend vouloir protéger les enfants de Saint-Brévin. Immédiatement les fascistes entrent en scène. Après un premier jour de confrontation en décembre 2022, les fascistes appelaient de nouveau à manifester à Saint-Brévin le samedi 25 février, soit le même jour que la manifestation antifasciste de Carhaix déjà citée. Le parti d’extrême droite Reconquête appelait lui à une mobilisation nationale, cet appel étant relayé par des médias d’extrême droite – Fdesouche, Riposte laïque – et parrainé par l’eurodéputé Reconquête Gilbert Collard.

Pour faire bonne mesure, les opposants au CADA ont distribué des tracts devant les écoles, et ont été jusqu’à détourner la liste des e-mails des parents d’élèves d’une école. La présidente de l’association des parents d’élèves a porté plainte de ce fait. Depuis elle a vu publier sur internet ses nom et adresse, le nom de ses enfants et l’école qu’ils fréquentent et subit insultes et menaces.

Bilan des courses, le journal Ouest France dénombrait « 200 opposants au projet ». Ceux-ci arboraient « des drapeaux royalistes, bretons, ou tricolores. Certains prient devant l’église, d’autres surveillent les antifascistes restés à quelques dizaines de mètres, tandis que la foule invective le maire de Saint-Brévin, Yannick Morez en scandant : « Morez, ton Cada on n’en veut pas. » Parmi les manifestants, une trentaine de personnes du mouvement catholique intégriste Civitas, mais aussi des militants du parti Reconquête de Loire-Atlantique et du Morbihan et des royalistes entonnant, « à Callac, on a gagné, à Saint-Brévin, on gagnera. » »

Quant à la contre-manifestation appelée par les associations brévinoises et le Collectif face aux extrêmes droites – rassemblant Attac, la CGT, la FSU, Solidaires, France Palestine Solidarité, la LDH, la Ligue de l’Enseignement, le MRAP, et le Syndicat des Avocats de France – elle a rassemblé, toujours selon Ouest France, 1 200 manifestantes et manifestants, soit 6 fois plus que les fascistes. A l’issue de cette manifestation à 10 h le matin, les militants, antifascistes et syndicalistes CGT et Solidaires, sont restés sur place après la dissolution.

Évidemment les « forces de l’ordre » étaient présentes en nombre dans cette petite ville. Elles n’étaient pas là pour protéger les antifascistes. Elles ont évidemment commencé par repousser les manifestantes et les manifestants du lieu prévu du rassemblement fasciste. Puis elles ont protégé ce rassemblement en bloquant les antifascistes, puis plus tard en lançant des grenades lacrymogènes et en chargeant, pour finalement disperser par la force les antifascistes. Les fascistes ont pu, à 200, éructer tout leur venin raciste …

Malgré cela, il est possible d’être contents. Une manifestation nationale à 200, face à une contre-manifestation 6 fois plus nombreuse, ça s’appelle un bide politique !

Ne pas ignorer que les fascistes relèvent le nez.

Que conclure de tout cela ? Il faut rappeler continuellement que ce serait une erreur impardonnable d’ignorer la montée du fascisme, sa réalité de plus en plus menaçante – dans les résultats électoraux, comme face aux violences dont il est porteur et qui ont déjà des conséquences concrètes dans tous nos territoires.

Ensuite le fascisme, malgré toute la volonté de Le Pen de dédiaboliser le RN, n’a absolument pas changé. Il reste fondamentalement raciste et violent. Il ne conçoit la vie politique qu’en terme de soumission et d’écrasement de ses opposants.

Bien que les fascistes soient encore plus minoritaires en Bretagne que dans d’autres régions, c’est grâce à cette logique de violence qu’ils ont pu marquer un point à Callac. C’est aussi pour cela que, face à la montée du fascisme, le rapport des forces y compris dans la rue est important. Qu’il faut, à chaque fois que le fascisme montre le bout de son nez, nous mobiliser pour lui damer le pion dans la rue. A court terme ce rapport des forces est indispensable pour combattre la peste qu’il cherche à instiller au sein de la population.

Mais évidemment cela ne saurait être suffisant. Pour faire reculer durablement le fascisme, il nous faudra d’abord redonner un espoir aux classes populaires. Il faudra être capables, par les luttes sociales, d’imposer des reculs au patronat. Il nous faut donc gagner ce combat sur les retraites, mère des batailles pour enrayer la détérioration continue des conditions de vie et de travail au service de l’accumulation capitaliste.