Écologie : Du mot d’ordre « pour le climat et la justice sociale » à une réelle convergence dans les luttes concrètes ?

Écologie : Du mot d’ordre « pour le climat et la justice sociale » à une réelle convergence dans les luttes concrètes ?

Comment transformer le succès des manifestations « climat » du 12 mars dans plus de 135 villes en France en un réel mouvement ancré dans nos luttes quotidiennes et permettre ainsi l’émergence d’un combat alliant les revendications pour le partage des richesses et celles pour en finir avec la destruction des équilibres du vivant ? Il y a loin de la coupe aux lèvres !

Ce 12 mars, les rues de Paris et de 135 villes en France se sont remplies de manifestations pour le climat et la justice sociale avec le soutien de plus de 550 ONG, associations, collectifs, syndicats et partis politiques. Au total c’est plus de 80 000 personnes, dont 32 000 à Paris, qui ont manifesté. La quasi-absence des questions liées au dérèglement climatique dans la campagne électorale, comme d’ailleurs dans les « grands médias », était au centre des protestations.

Évidemment l’actualité de la guerre en Ukraine a trouvé un écho dans les manifestations. Ainsi des slogans tels « Stop fossiles, Stop Poutine », « Transition plein gaz » ont appuyé sur la dépendance énergétique de l’Europe au gaz russe et sur le fait que cela permet le financement de la guerre de Poutine. Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, présent aux côtés de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT a d’ailleurs déclaré « il faut sortir de cette addiction, inventer des sociétés plus sobres, et se tourner vers les énergies renouvelables, qui sont locales, décentralisées et sans risque ».

Au cœur du débat sur le changement climatique.

Il ne faut surtout pas minorer la crise écologique qui monte. Dans la version provisoire de son sixième rapport d’évaluation le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dresse un constat alarmant. Les dérèglements climatiques frapperont les sociétés humaines de manière intolérable, multipliant les menaces sur la production alimentaire, l’approvisionnement en eau, la santé, les infrastructures côtières, les économies nationales et la survie d’une grande partie du monde naturel. « Ce rapport du GIEC est un atlas de la souffrance humaine et une accusation accablante de l’échec du leadership climatique », a réagi Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. « Les plus grands pollueurs du monde sont coupables de l’incendie criminel de notre seule maison », la terre.

Il n’y aura pas de véritable combat contre le changement climatique sans une révolution des modes de production, des échanges et des modes de vie. Mais ces révolutions ne peuvent pourtant pas déboucher sans que ne s’organise la satisfaction des besoins essentiels de chacun des humains. Il s’agit bien de l’antithèse du capitalisme qui poursuit une croissance incapable de satisfaire les besoins de la population, qui dilapide les ressources de la planète … pour maintenir un haut niveau de profit capitaliste.

Pour que ces révolutions ne se transforment pas en une politique antisociale ; qu’au contraire elles permettent à la fois une baisse de l’empreinte écologique, la fin de l’exclusion sociale et une diminution importante du temps de travail ; bref pour qu’elles s’attaquent à la crise écologique et à ses véritables causes, elles doivent s’articuler avec une redistribution des richesses à grande échelle, non seulement au niveau de notre pays, mais entre tous les pays du monde. Comme l’affirment les manifestations il faut agir « pour le climat et la justice sociale ». Oui ! Mais, encore faut-il ne pas en rester au slogan, et mettre concrètement en pratique cette convergence.

Pour une mise en application concrète du slogan.

La présence dans les manifestations du secrétaire général de la CGT au coté du directeur de Greenpeace est à l’évidence un signe positif. De même, le rapport du 23 février rapport d’Oxfam et de Greenpeace, en démontrant pour la première fois que l’empreinte écologique des pays occidentaux résulte en grande partie des modes de vie des classes privilégiées, pourrait faciliter des démarches communes.

Mais en l’état actuel, tant le mouvement syndical que les associations écologistes semblent à des lieux d’une converge réelle. Au mépris de certaines luttes écologistes qui semblent se contrefoutre des questions d’emploi, répondent des combats contre les licenciements sans aucune remise en cause de l’organisation de la production au service des profits capitalistes.

La CGT se veut force de proposition pour une réindustrialisation du pays. Ce qui serait cohérent avec la nécessité de remise en cause de la mondialisation capitaliste et de son commerce mondial tentaculaire. Mais ne serait-il pas souhaitable que déjà à ce niveau de la réflexion, le syndicalisme s’associe avec les associations écologistes ? Et face aux dégâts créés par l’industrie, n’est-il pas souhaitable que les associations écologistes mettent en avant, comme un prérequis, la nécessité de maintenir l’emploi ?

Bref une telle dynamique ne sera possible que si des liens militants transversaux se créent. Que si le mouvement syndical et les associations écologistes « s’interpénètrent ». Pour cela les analyses écologistes doivent s’enrichir d’une dimension de classe : Non seulement l’empreinte écologiste des classes privilégiées est bien plus importante que celle des classes populaires, mais ce sont ces dernières qui subissent le plus durement des conditions sanitaires dégradées au travail et le cadre de vie le plus pollué. Ou encore comme aujourd’hui ce sont les travailleuses et les travailleurs précaires qui subissent le plus l’augmentation du prix de l’énergie quand les multinationales multiplient les profits. La crise écologique ne peut trouver de solution sans que l’on s’attaque à la propriété privée des moyens de production, c’est à dire au cœur du capitalisme.

D’un renouvellement des analyses écologistes et d’une réelle prise de conscience parmi les travailleuses et les travailleurs de la crise écologique pourra naître une renouvellement des pratiques militantes des unes, des uns et des autres. C’est le seul moyen pour ancrer la convergence des luttes écologistes et des luttes sociales dans la vie concrète. C’est bien plus concret que le gadget proposé par Greta Thunberg d’une « grève mondiale » de la jeunesse le 25 mars, sommet de la non prise en compte de l’exploitation capitaliste, c’est-à-dire du vrai coupable du désastre mondial !

Une nouvelle marche pour le climat est prévue le 9 avril. Il faut y être ! Et il faut porter dans les débats la question des conditions d’une réelle convergence entre luttes sociales et luttes écologistes.