Antiracisme : Loi Darmanin « Asile Immigration », une de plus !

Antiracisme : Loi Darmanin « Asile Immigration », une de plus !

Le gouvernement Macron fomente une nouvelle loi (la 30ème depuis 1980) sur l’asile et l’immigration. Une de plus et c’est de pire en pire : atteinte aux droits et libertés fondamentaux des étrangers, durcissement des procédures d’accueil, criminalisation,… Ce projet de loi s’inscrit dans une politique générale sous pression de l’extrême droite et dans un contexte où l’Union Européenne discute du financement de murs et clôtures infranchissables à ses frontières extérieures (il en existe déjà 2 000 km).

Sur les rails depuis une réunion interministérielle de l’été 2022, le projet de « loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » fait l’objet d’une procédure accélérée – une seule lecture à l’Assemblée Nationale comme au Sénat – engagée par le gouvernement afin de siphonner le débat parlementaire. 1ère version en septembre 2022 ; Conseil d’État en décembre ; Conseil des ministres en février 2023 … Ce projet de loi de Messieurs les ministres Darmanin (Intérieur), Dupond-Moretti (justice) et Dussopt (travail) est actuellement soumis à l’examen de la commission des lois du Sénat. Il devrait atterrir à l’assemblée nationale en avril-mai 2023.

Une situation d’accès aux droits déjà désastreuse

Les préfectures délivrent déjà au compte goutte les titres de séjour dans des délais inadmissibles d’une à plusieurs années ; les Obligations à Quitter le Territoire Français (OQTF) pleuvent en rafale sur les nouveaux demandeurs, les lycéens, les familles installées depuis des années ; et les expulsions hors de tout cadre légal se succèdent. Les Centre de rétention administrative (CRA) se multiplient dans toute la France, comme les violences qui s’y déroulent, ainsi au Mesnil-Amelot, le plus grand centre d’Europe, amenant la CIMADE – association de solidarité et de soutien aux migrants, agréée pour intervenir au sein des centres de rétention – a décidé de s’en retirer.

La dématérialisation des démarches administratives, mise en place en 2022, a encore aggravé la situation en rendant dépendant chaque étranger de sa maîtrise de la langue française écrite et de l’outil informatique pour accéder à la plateforme idoine de sa préfecture.

Des mesures annoncées

Les nouveautés annoncées de cette nouvelle loi visent toutes à réduire les droits des étrangers et s’inscrivent dans une logique suspicieuse à leur encontre :

  • Pour diminuer le nombre de contentieux portés par des étrangers, la loi se propose de limiter les procédures légales possibles. Ce qui signifie un amoindrissement des capacités de défense des étrangers face à des décisions arbitraires. Cela concerne notamment les recours possibles en Centre de Rétention Administrative (CRA).
  • La surveillance de tous les instants des migrants dans les CRA – rappelons qu’il s’agit d’un placement administratif et non pas d’une sanction pénale, puisque les « retenu.es » ne sont officiellement coupables d’aucun délit – sera renforcée par l’installation de vidéosurveillance dans ces établissements.
  • Officiellement la loi se propose « de lutter contre les réseaux mafieux de passeurs ». Elle criminalise les « actions de facilitation en bande organisée de l’entrée et du séjour d’étrangers en situation irrégulière ». Mais au regard des poursuites engagées ces dernières années contre des personnes actives dans les réseaux de solidarité aux sans papiers, on est en droit de craindre le pire.
  • La volonté de déconcentrer de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par la création d’Espaces France Asile et par la territorialisation de la Cours Nationale du Droit d’Asile (CNDA), vont participer, à la fois à l’accélération des procédures, à la réduction des moyens utilisables par les étrangers pour faire respecter leurs droits et à des disparités entre les décisions prises en fonction du lieu de décision.
  • Il en sera de même avec l’introduction de la possibilité de juge unique à la CNDA. C’est donc la fin annoncée d’une formation collégiale à laquelle participe notamment un représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).
  • Une mesure supplémentaire vise à précariser les étrangers installés en France : la possibilité de retrait de carte de séjour – y compris la carte de 10 ans qui jusqu’à maintenant s’inscrivait dans une installation durable en France – en cas de « rejet des valeurs de la République », motif tellement imprécis qu’il peut permettre de s’attaquer à presque n’importe quel étranger.
  • Des conditions supplémentaires pour l’obtention d’une Carte de séjour pluriannuelle sont prévues : La personne demandeuse sera soumise à une résidence stable et devra prouver un certain niveau de connaissance de la langue française. Ce niveau ne sera précisé que par décret, ce qui laisse toute l’attitude au gouvernement pour être plus ou moins restrictif.
  • La « voie spécifique de régularisation pour les métiers en tension », une disposition qui existe déjà depuis 2007, est réaffirmée. Il s’agit d’une fausse bonne idée quand on sait que la réalité des emplois en tension est masquée … puisque dans ces secteurs de nombreux emplois sont déjà occupés par … des sans papiers.
  • La nouvelle loi veut instituer la possibilité d’une OQTF, dès le refus de la demande d’asile par l’OFPRA, sans attendre que l’instance d’appel se soit prononcée.
  • Le délai de départ de 30 jours après une OQTF sera réduit à 48h excepté pour l’étranger a fait une demande de Titre de Séjour ou de renouvellement. Une mesure expresse qui rend extrêmement difficile de déposer un recours auprès du Tribunal Administratif pour contester la décision préfectorale pour tous les autres (victimes de contrôles sur la voie publique, descentes dans les ateliers clandestins, etc.)
  • L’OQTF, qui n’était applicable que pendant un an – après ce délai la personne pouvait formuler une demande de régularisation – deviendra applicable pendant 2 ans et sans limite de durée quand la personne a aussi fait l’objet d’une Interdiction de Retour sur le Territoire Français.

Les annexes

Joint à son projet de loi, Darmanin a diffusé dès décembre un dossier de presse dont le contenu, en grande partie trompeur, dresse un panorama qui ne peut qu’alimenter les thèses du grand remplacement et assimile sans vergogne étrangers et délinquance.

L’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) créé en 1996, a été remplacé en décembre 2022, par l’Office de Lutte contre le Trafic Illicite de Migrants. Les « migrants » forment-ils une nouvelle espèce, étrangère à l’Homo sapiens ? On est en droit de dénoncer cette forme de déshumanisation de celles et ceux que la misère ou la guerre, la répression ou les discriminations jettent sur les chemins de l’exil.

Français – immigrés : même combat !

Depuis la publication du projet de loi, analyses, communiqués et articles de presse des associations de défense des étrangers, collectifs, syndicats, ONG, personnalités se multiplient pour dénoncer cette loi xénophobe et appellent à la mobilisation. Le Collectif Uni.es Contre l’Immigration Jetable (UCIJ) renaît de ses cendres à cette occasion.

La Loi asile immigration, la réforme des retraites ou loi Kasbarian sur le logement participent de cette même logique d’attaque contre l’ensemble des travailleurs, immigrés ou natifs. Car ces lois visent des prolétaires et c’est bien dans l’unité qu’il faut se battre !

Nous participerons aux initiatives et manifestations pour que cette loi, aussi, ne passe pas !

Stephan Zweig, dans son autobiographie Le monde d’hier, souvenir d’un Européen écrivait :

« Avant 1914 (…) chacun allait où il voulait et y demeurait aussi longtemps qu’il lui plaisait. Il n’y avait point de permissions, point d’autorisations, et je m’amuse toujours de l’étonnement des jeunes quand je leur raconte qu’avant 1914 je voyageais en Inde et en Amérique sans posséder de passeport ».